Rigardon à travers les âges

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L'Origine de Rigardon

Le mot "RIGARDON", d'après l'indication que j'ai obtenue de M. DAUZAT, anthropologiste le plus entendu à l'heure présente, viendrait du nom d'homme RIGARD, variante de Ricard et le suffixe ON, pourrait être une sorte de génitif usité dans la langue vulgaire de l'époque mérovingienne, RIGARDON équivaudrait alors à "Rigard, fils de RIGARD", fils de RIGARD" Le domaine de RIGARDON remonte vraisemblablement à une époque antérieure aux grands défrichements, ainsi que Morand, village qui porte lui aussi le nom de son créateur. A partir des 11ème et 12ème siècles Morand se fut appelé la Morandière, car l'usage devint alors constant et désigner un hameau quand il lui fut attribué le patronyme de son propriétaire. Par ce patronyme précédé de l'article et suivi de la terminaison "ière" ou "érie", Rigardon eut été alors "la Rigardonnière" ce qui eut été aussi euphonique que "la Glochonnière", domaine de "GLOCHON" ou de "La Jugonnière", domaine de "JUGON".

Durant la féodalité, RIGARDON a été une seigneurie mouvante "du BAILLEUL" en Hercé. Le seigneur en était en 1420 Jean de RIGARDON, doyen de Charné ou quelqu'undes siens. La famille de Froullay conserva toujours le fief, même si l'Abbé ANGOT, dans spn célèbre dictionnaire que le domaine passa à Guillaume et Michel LE MOULNIER,en 1497 et 1528, qualifiés sieurs du lieu. Ces gentilhomme n'étaient que des locataires de Rigardon, comme Julien PELÉ, sieur de la GENDRIE, en 1678, propriétaires de Tête-Louvine mais pas de Rigardon. Et Monsieur HAMON ajoute : " Je le sais de source sûre, le ménage BROCHARD-PELÉ comptant parmi mes ancêtres". Cependant, Julien PELÉ a habité RIGARDON, un acte notarié de Maître LE BARON, du 10 janvier 1678 indique qu'il occupait "le logis seigneurial", sans doute à titre de gérant car le propriétaire de cette époque est bien connu.

LES "DE FROULLAY"

C'est Monseigneur Gabriel DE FROULAY, évêque d'Avranches, un des dix enfants de René de FROULLAY, baron de VERNIE en Haut Maine et d'Ambrières, premier comte de TESSE et de Marie d'ESCOUBLEAU de SOURDIS, sœur du Cardinal Archevêque de BORDEAUX. Il avait dû recueillir RIGARDON dans la succession de ses parents, tandis que mon frère Charles avait MONTFLAUX, qu'Emmanuel, chanoine comte de LYON, recevait peut-être Sainte Souline en Poitou : et leur aîné, René gardait tous ses biens de Vernie, d'Ambrières de Saint-Fraimbault-sur-Pisse et de Couesmes. Dès la disparition de Julien PELÉ, Mgr DE FROULLAY, s'occupa lui-même de ses propriétés, comprenant : château, chapelle, fuie, retenue, ferme à RIGARDON même, une ferme aux Brosses, une à la Greslunière, une à la Chauvellière (aujourd'hui la Chauvière) et une dernière à St-Mars-la-Futaie. Le 5 mai 1679, par acte de Maître Denis GERMERIE, notaire royal à St Denis, il loua RIGARDON à Pierre FOREST, laboureur et lui remit 250 écus pour "peupler la terre de bestiaux". Le 29 octobre 1680 devant l'autre notaire royal, Maître Jean Le BARON, Mgr de FROULLAY donna sa ferme de la Greslunière aux curés et prêtres de Saint-Denis et, en exécution des intentions d'André de FROULAY, son aïeul, à charge de célébrer une messe chaque dimanche et jour de fête à la chapelle de Rigardon "Tant que ce lieu appartenait à sa famille".

La fondation de Mgr de FROULLAY ne devait pas recevoir durant bien longtemps son exécution puisqu'il mourut le 27 avril 1689 et que, deux mois après, RIGARDON, était vendu à un étranger de la famille. La cure de Saint-Denis n'était plus tenue de célébrer de messe en la chapelle de RIGARDON, elle garde cependant la Greslunière qui était louée 169 écus à la Révolutions, et fut achetée comme bien national le 15 juin 1791 pour 4500 écus par Julien JOUIS.

Comment M. Henri Louis VINCENT, conseiller du Roi, ci-devant notaire de Châtelet, bourgeois de Paris, eut-il l'idée de venir acheter un domaine à Saint-DENIS, pays où il n'avait aucune attache ? En voici très probablement la raison.

En mourant, Mgr de FROULLAY laissait pour héritiers :

deux autres frères morts sans postérité.

Trois autres sœurs religieuses;

Il était impossible de faire quatre lots du domaine de RIGARDON, lot revenant par droit d'aînesse à René-Mans de FROULLAY par représentation de son père devant comporter les 2/3 de la succession.

Or M. VINCENT a trois créances se montant à 28 600 écus sur le futur maréchal de France.

- la première de 9900 écus représentait des dentelles livrées de Madeleine de BEAUMANOIR, mère du comte de TESSE.

- la seconde de 6 200 écus pour divers objets achetés par le comte lui-même.

- la troisième de 12 500 écus pour argent prêté de 1685 à 1688 par M. VINCENT, lequel avait régulièrement acquis les deux premières créances des commerçants ROUSSEAU et BAYMARD.

Être colonel d'un régiment de dragons, occuper des fonctions importantes, paraître souvent à la cour coûtaient cher, le comte de TESSE René-Mans de FROULLAY s'y était endetté, il dut être heureux de se libérer d'une partie de sa dette en vendant RIGARDON, la ferme des Brosses et la Chauvière à son créancier Monsieur VINCENT. C'est ainsi que M. VINCENT acquit le 1er juillet 1689 une seigneurie en la mettant au nom de sa femme : Marie QUELLY. Le château n'était pas libre, il était occupé par la famille LEPRINCE, chirurgien, qui avait dû prendre la suite de Julien PELÉ, et un vieux domestique. Après avoir fait le tour dû propriétaire, M. VINCENT décide de clore immédiatement la cour sur le grande et petite porte, de restaurer la porte à l'entrée du jardin et de réparer la fuie avec poutres, solives et solives et planchers neufs. M. VINCENT louait la Chauvière à Jean FICHEPOIL de la Brouhardière. Pour jouir de son château M. VINCENT dut dénoncer le bail du chirurgien LEPRINCE, qui quitta sans doute en 1691 pour aller habiter le logis de Villebedon. Il lui arrivera à plusieurs reprises d'être témoin de notoriétés rédigés au château de MONTFLEAUX. Il mourut en 1698 ou 1699.

Le 16 septembre 1700, Marie QUELLY, veuve de noble homme Louis-Henry VINCENT, dame de Rigardon se mariait à Messire Jean René DE VAUBOREL, seigneur de LONFUEVE. La bénédiction nuptiale leur fut donnée en la chapelle du château de MONTFLEAUX, par permission de l'Évêque du Mans, en présence de haute et puissante dame Marie Anne de MEGAUDAIS, comtesse douairière de FROULLAY, chevalier, comte de MONTFLEAUX, son fils. Le marié avait 54 ans et la mariée, qui avait eu d'enfant de sa première union n'était pas toute jeune. Le ménage vécut pendant 8 ans à RIGARDON sans que l'on connaisse rien de son histoire. Sa situation pécuniaire ne devait pas être très brillante puisque Marie QUEILLY se décida à vendre son domaine à Denis DELAMARE, bourgeois de Paris, rue Porte Foin, paroisse St Nicolas, en 1708... Et de M. DE VAUBOREL s'en fut avec sa femme demeurer dans une maison du bourg. DELAMARE ne revendit pas le domaine à Françoise des ORMES, veuve de Jean HERCÉ, seigneur du Plessis en Colombiers, car le comte Charles-Philippe de FROULLAY mort en 1714 avait deux frères, Louis et Pierre, chevaliers profès de Saint-Jean-de-Jérusalem qui étaient en droit d'exercer le retrait féodal sur DELAMARE, et de revendre à qui bon leur semblerait. On comprend très bien que les chevaliers de FROULLAY et leur belle-sœur, Marie-Anne de MEGAUDAIS, aient jugé bon d'évincer un bourgeois de Paris, sans attache dans le pays, au profit d'une châtelaine voisine de Montfleaux. Par bail de 1714, Françoise des ORMES pris pour fermiers Jean BRAULT, sieur de la Chevillardière et René BRAULT, sieur de la Brétonnière. Le prix de location annuelle était de 610 écus pour 10 boisseaux de fruits à cidre, 40 livres de beurre de pot, 6 lapins de garenne, la fourniture et la plantation de 12 arbres fruitiers, la plantation au cours des 9 ans de la durée du bail de 300 pieds de fouteaux et 2 jours de harnais pour aller quérir de l'ardoise à Javron.

Jean de HERCÉ, le fils de Françoise des ORMES, reçut sans doute RIGARDON en dot lors de son mariage avec Françoise TAUQUEREL en 1719. Il habitait Mayenne où il lui naquit 14 enfants, dont Jean-François qui devait être député aux États Généraux, et Urbain-René futur évêque de Dol, Jean de HERCÉ avait un frère Michel-César qui en 1724 demeurait à Ernée. C'est lui qui, à partir de cette date, va posséder Rigardon. Le 20 octobre, il loue les brosses à moitié fruit, le 14 décembre il refait le bail Fichepoil pour la Chauvière, le 25 août 1734, Michel César de HERCÉ accorde à Rondeau, pour le remercier de ses longs services comme métayer, la jouissance gratuite d'une maison au bout de la première cour, il lui donna en outre une voiture de bois de chauffage. Le 30 octobre 1741, il loue à Mathurin DURAND, la ferme de Rigardon, occupée par la veuve BOUESSEE, en réservant le fruitier, le champ d'Écorcé ou d'Enfer et la grande partie du jardin. Ses conditions sont les suivants : il lui sera livré la moitié des grains, 90 écus pour le croît des bestiaux, 4 charretées de fumier, 45 livres de beurre salé, 4 chapons, 4 poulets et il sera fait 3 journées de harnais pour labour et charroi. Les rentes féodales seront acquittées par moitié, les réparations resteront à la charge du bailleur: les ouvertures de la maison de la ferme donnant sur la cour seront bouchées, enfin le preneur devrait avoir à son service 2 valets de culture faute de quoi il sera renvoyé sur simple sommation.

En 1747, Michel-César de HERCÉ habite RIGARDON, il refait les baux de RIGARDON, des Brosses et de la Chauvière. Les fermages en argent sont stipulés payables pour moitié à la Saint-Bonaventure et pour moitié à la Saint-Denis. Dans les années suivantes, un nombreux personnel habite RIGARDON. Les actes de catholicité indiquent un ménage DAUPHIN en 1750, un ménage LE SIOUR en 1754, un ménage LELANDAIS en 1755, un ménage LEBOUC en 1759.

En 1773, Michel César de HERCÉ meurt, son héritier Jean-René fait vendre certains objets mobiliers, toute la bourgeoisie dyonisienne est présente et achète, la vente dure quatre jours, elle produit la maigre somme de 491 écus.

Après avoir appartenu pendant 60 ans à la famille de HERCÉ et avoir été honoré de la visite de l'évêque de Dol, RIGARDON va de nouveau changer de main. Il est acheté par Madame Jeanne THEREAU, veuve de Louis DUVAL des VALLÉES, en son vivant bourgeois d'Ernée.

Après avoir administré quelques temps elle-même ses fermes et avoir notamment fourni une prisée de 327 écus à Lanoë, fermier de RIGARDON, de 900 écus à POUTEAU, fermier des Brosses, Madame DUVAL installe son fils, Michel Charles DUVAL du BREIL dans sa nouvelle propriété. M. de BARLIER, curé de Saint-Denis, bénit son union avec René GALLERY de la TREMBLAIE.

En 1787, M. et Mme DUVAL du BREIL devaient abandonner RIGARDON pour devenir intendants du marquis de MONTECOT au château de LÉVARÉ. Ils louèrent alors aux époux BOUESSIERE. Bien qu'ils eussent acheté une maison avec jardin dans le bourg de Saint-Denis, ils restèrent à Lévaré durant toute la révolution. Au début du 19ème siècle, ils marièrent leurs trois filles et vendirent RIGARDON à la famille d'HELLAND. La vente ne comprenait pas la Chauvière qui appartenait en 1810 à Mme LE NICOLAS née DUVAL. La famille d'HELLAND le licita (vendit) en 1857.

 

Source et article diffusé dans le bulletin municipal de Saint Denis de Gastines 1988